Merci, Daniel Schmutz

Daniel SchmutzDaniel Schmutz est décédé. L’ancien Conseiller d’Etat vaudois fut l’un des membres fondateurs de notre association. Il a régulièrement suivi nos assemblées. C’est lui qui s’est battu au sein du Conseil d’Etat pour le plan directeur des rives du lac, un premier pas important pour un accès libre pour les piétons au bord du lac.

Le comité et les membres de notre association sont très touchés par la disparition de ce personnage lumineux. Nos pensées vont vers sa famille et ses proches.

Nous souhaitons vous faire part de l’introduction du cahier 1 du plan directeur, signé par Daniel Schmutz, alors Chef du Département des travaux publics, de l’aménagement et des transports, car il résume très bien notre rêve et notre combat. Oeuvrons pour que ce texte et son auteur ne soient pas oubliés!

C’est un vieux rêve que de pouvoir se promener librement, accompagné ou solitaire le long des rives du lac Léman !

Les pétitionnaires de 1913 qui demandèrent de pouvoir jouir d’un chemin le long des eaux s’exprimèrent alors dans un langage imagé : « Vous faites chanter par les poètes les beautés incomparables de notre patrie et lorsqu’on veut approcher de l’eau pour voir les grands monts se refléter dans l’onde bleue, vous interdisez le passage. Il faut que le grand public puisse jouir des bords de l’eau et trajeter librement sur les rives ».

En 1926, au Grand Conseil, lors du débat relatif à la loi sur le marchepied et les plans riverains, le Conseiller d’Etat Simon, exprimant la volonté du gouvernement de donner suite à la pétition et par là de répondre au voeu de l’opinion publique disait : « Il y a lieu de prendre sans tarder, à l’égard du maintien des sites naturels et de la protection que nous devons aux rives vaudoises, toutes dispositions utiles tendant à conserver ce qui fait la beauté et le charme de notre pays, et ce qui permet également d’en assurer la jouissance au plus grand nombre de nos enfants. C’est une oeuvre d’utilité publique dans le sens le plus élevé du terme. »

Presque trois générations se sont succédées depuis cet engagement solennel qui à travers la législation adoptée responsabilisait les communes du bord du lac en leur confiant l’établissement des plans riverains. Aujourd’hui le vieux rêve est toujours très présent puisqu’un récent sondage révèle que 74% des personnes consultées souhaitent un chemin continu le long de la rive, et comme il y a presque septante ans, une politique volontariste d’aménagement des rives est toujours attendue.

Manque de volonté politique de certaines communes riveraines à leur devoir, manque de fermeté de l’Autorité cantonale à certaines époques, pratique administrative au coup par coup sont à l’origine de situations en contravention avec la loi et en contradiction avec les volontés politiques. Aujourd’hui, nous avons décidé de les respecter.

A l’évidence, intervenir aujourd’hui dans des sites aussi recherchés et appréciés que les bords du lac, parfois en remettant en question des droits considérés comme acquis par les propriétaires, n’est pas toujours aisé. Ces derniers se sont regroupés en association pour défendre leurs intérêts ou ont même été jusqu’à proposer une « variante » au plan directeur vaudois du lac Léman.

Qu’ils se rassurent, pour autant qu’ils soient légitimes, leurs droits seront reconnus. Il faut cependant rappeler l’existence d’un arsenal législatif cantonal aujourd’hui complété par la loi fédérale sur l’aménagement du territoire et une jurisprudence éclairante sur le sujet. Ces textes fournissent la base légale à ce plan directeur.

A l’article 3 alinéa 2 lettre c la loi dit qu’il faut conserver libres les rives et faciliter le passage public le long de celles-ci. Pour autant que cela soit judicieux, praticable et réalisable, le tracé continu doit être établi le long du lac (ATF 118 I 398/399).

Si la création d’un cheminement le long du lac est une composante importante du plan directeur, elle n’est de loin pas la seule; des directives en vue de l’aménagement des rives et de la protection de l’environnement sont venues s’y ajouter. Les rives du lac Léman conservent en effet des paysages d’une telle beauté qu’ils ont valeur de symbole. Elles abritent en outre des milieux naturels aussi exceptionnels que sensibles et d’importance internationale.

Compte tenu de telles richesses et face aux démarches plus ou moins conciliables de la part de nombreux usagers, un plan directeur des rives s’est imposé comme référentiel facilitant le choix des affectations ultérieures et permettant de fixer le programme prioritaire.

Peu de sites riverains lémaniques échappent à l’empreinte et parfois à la forte empreinte des phases déterminantes de notre histoire. Nous pensons à cet égard que les propositions d’aménagement et de protection qui les concernent ne constituent nullement des concessions au passéisme, mais témoignent du respect que commande un patrimoine de haute valeur.

On trouvera donc dans le document qui suit non seulement des propositions qui concernent la protection des paysages et des milieux naturels, mais également des suggestions en matière d’urbanisation et de développement des activités nautiques, sportives et touristiques.

L’importance des travaux pourrait paraître au premier abord exagérée par rapport au territoire que représentent les rives du lac. En fait, on l’aura compris, l’effort a davantage été imposé par la vulnérabilité des lieux que par leur superficie. Pour l’instant heureusement, les situations engagées de manière irréversible sont peu nombreuses, mais reconnaissons tout de même qu’il a fallu plus de vingt ans pour rétablir la qualité des eaux du Léman et la lutte n’est pas terminée.

Pour les Hauts-savoyards, les Valaisans, les Genevois et les Vaudois, le lac Léman apparaît un peu comme une « Mare Nostrum ». La sauvegarde du bassin lémanique, élément hydrographique important du massif alpin, constitue à la fois un défi majeur et un test pour une politique concertée. Par l’ampleur des dégâts sur les plans écologique, économique et culturel, un échec serait vivement ressenti et dénoncé par la Communauté internationale.

De notre côté, nous ne pouvons que souhaiter qu’il soit fait un large et bon usage de l’instrument constitué par le plan directeur des rives du lac. Les exemples déjà encourageants ne manquent heureusement pas. Certaines communes s’en sont déjà inspiré pour reprendre leur aménagement riverain dans le cadre de leur plan d’affectation. Il faut espérer qu’elles soient de plus en plus nombreuses.

Daniel Schmutz
Conseiller d’Etat, Chef du Département des travaux publics, de l’aménagement et des transports

C’était l’introduction de l’ancien Conseiller d’Etat Daniel Schmutz au Plan directeur des rives du lac (dont vous trouverez le Cahier 1 en suivant le lien en jaune.)

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